Accélération de l’évolution génétique chez les hommes modernes
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Contredisant une théorie courante d’après laquelle l’évolution s’est ralentie voire même arrêtée chez les hommes modernes, une nouvelle étude, fondée sur les données de recherches internationales sur le génome, décrit les 40.000 dernières années comme une période surchargée au plan de l’évolution. Celle-ci se serait trouvée accélérée sous l’effet d’une croissance exponentielle de la population et des changements culturels.
Dans une étude publiée le 10 décembre dans les Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS), une équipe conduite par John Hawks, anthropologue à l’Université du Wisconsin-Madison, estime que la sélection positive durant les seules 5.000 dernières années est intervenue à un rythme d’environ 100 fois supérieur à n’importe quelle autre période de l’évolution humaine. Un nombre important d’ajustements génétiques est intervenu à l’occasion des changements dans l’alimentation du fait de l’avènement de l’agriculture et du développement de la résistance aux maladies épidémiques, qui devinrent des causes majeures de décès suite au fort accroissement des populations humaines.
En termes évolutionnaires, les cultures qui se développent lentement sont désavantagées. Mais c’est le développement massif des populations humaines qui a conduit, de loin, aux plus nombreuses mutations génétiques, déclare Hawks. Et chaque mutation avantageuse a une chance d’être sélectionnée et conservée, précise-t-il.
Il apparaît ainsi, à partir d’une période qui commença il y a 10.000 ans, que le fait d’appartenir à des groupes de plus en plus importants et d’être installé en des endroits fixes, entraîna, sous l’effet de maladies épidémiques telles que la malaria, la variole et le choléra, une modification de la structure des causes de mortalité. La malaria en est un exemple clair. Il y a désormais plus de deux douzaines d’adaptations génétiques liées à la résistance à cette maladie, incluant un groupe sanguin entièrement nouveau dénommé groupe Duffy.
La découverte pourrait amener à une très large révision de la conception de l’évolution humaine, indique Hawks, plus particulièrement sur la base selon laquelle le monde moderne a intensifié le besoin de changements génétiques physiques chez les humains afin d’améliorer la survie. Hawks ajoute : « Nous sommes plus différents génétiquement des individus qui vivaient il y a 5.000 ans de cela qu’ils ne l’étaient des hommes de Néanderthal. »
Au nombre des découvertes, les chercheurs notent des changements au niveau du squelette qui montrent clairement que les hommes sont plus petits, ainsi que leurs cerveaux et leurs dents. Le fait que la taille et la force ne soient pas des clés de la survie est généralement considéré comme un signe de sélection assouplie. D’autres voies évolutives sont ouvertes. Des changements génétiques sont désormais suscités par des changements majeurs dans la culture humaine. Un bon exemple en est la lactase, le gène qui aide à digérer le lait. Normalement, l’activité de ce gène décline et s’arrête aux environs de l’adolescence. Or les Européens du Nord ont développé une variation du gène qui leur permet de consommer du lait leur vie durant, soit une adaptation procédant directement de l’avancée de l’agriculture domestique et de l’utilisation du lait comme produit agricole.
Un gène, CCR5, a par ailleurs été découvert récemment. Apparu il y a 4.000 ans, il existe désormais dans 10% de la population européenne. La découverte est récente du fait qu’il rend résistant au virus du SIDA. Mais son apport originel pourrait avoir consisté à faire obstacle à la variole.
La sélection et l’évolution rendent plus difficile la tâche aux agents pathogènes, et protègent ainsi l’homme, conclut Hawks. L’augmentation de la population entraîne l’apparition beaucoup plus rapide de ces changements, confirmant ce que pensait Charles Darwin au sujet de la relation entre taille des populations et sélection naturelle.
La population humaine a crû de quelques millions d’individus il y a 10.000 ans de cela à 200 millions en l’an 0 et 600 millions aux environs des années 1700, à plus de 6,5 milliards aujourd’hui. Avant cela, la population est restée faible pendant très longtemps, d’où une sélection positive qui se réalisait à un rythme très ralenti.
Ce qui apparaît étonnant à propos des humains, et qui n’est pas vrai pour la plupart des autres espèces, est le fait que pendant une longue période, ils n’étaient qu’une petite espèce de primates dans un coin de l’Afrique, et leur échantillon génétique était sans rapport avec le potentiel existant d’aujourd’hui. Les changements récents sont particulièrement surprenants. Cinq mille ans est une très faible durée correspondant à 100 à 200 générations.
Source : © Centre International de Recherche Scientifique