Ce matin, je rentrais de l'hôtel à pieds, dans le froid humide de ce début de journée. Il était 7h et quart. Je n'avais quasiment pas fermé l'œil de la nuit, et me sentais un peu ivre de fatigue. Presque personne dans les rues, si ce n'est une femme tenant un parapluie sous une pluie invisible.
Je pensais à Arnaud, et m'installais dans ces pensées sur l'enseignement comme dans un lit douillet. Le souvenir de méditations en sa présence ne faisait qu'accroître cette sensation d'enveloppement lumineux et chaud. Finis le froid, l'humidité glaçante, le sommeil... Un paisible silence imprégnait tout, et je voyais Arnaud m'expliquer les formules de Swamiji sur la vigilance. J'acquiesçais intérieurement, approuvant solennellement l'importance capitale de cette pratique sur la voie.
Quand tout à coup une voiture, arrivant par derrière, klaxonna trois fois à ma hauteur : juste pour me surprendre, me faire peur. En fait, ça a bien marché. Je ne l'avais même pas entendue arriver.
Je n'en suis pas sûr parce que j'étais vraiment immergé, mais ne crois pas avoir beaucoup sursauté ; toutefois, j'ai sensiblement rentré les épaules, mon sang s'est glacé du bas vers le haut et j'ai lentement tourné la tête vers les occupants, tout en reprenant mes esprits difficilement. La voiture s'éloignait tandis qu'en moi je les remerciais avec mépris : "très drôle, z'avez qu'ça à foutre ?".
Puis immédiatement j'ai repensé à Arnaud... Alors je l'ai remercié de m'avoir donné cette leçon de vigilance. Pranam.