Arunachala, la montagne sacrée.

Arunachala, la montagne sacrée.

lundi 19 mai 2008

Jean Biès

L'homme sans signification ne peuple le silence de dérivatifs sonores et de saturnales langagières que parce que le silence lui fait peur, le met face à lui-même, face à un vide désespéré qui n'est qu'une contrefaçon de la vacuité spirituelle. Non seulement le silence rend aux mots leur brillance et leur prix, qu'une surconsommation leur a fait perdre, - tels les galets, replongés dans la mer, recouvrent tout leur éclat -, mais il permet de recharger nerveusement et psychiquement nos accumulateurs d'énergie. Tandis que la parole est toujours, - à l'exception du verbe poétique maîtrisé, sublimé, lointain écho humain de la Profération d'origine, - un produit de l'agitation mentale et de l'imagination passionnelle, le silence dispense des contradictions, des erreurs de jugement, des condamnations hâtives, évite les petites inexactitudes anodines, dont la somme fait le mensonge, les méchancetés insignifiantes qui finissent par rendre méchant, la dialectique raisonneuse, jamais à court d'arguments, toujours en quête de réponses dont elle récuse le droit à l'existence. (...) Le silence véritable est volontaire, conscient et momentané ; il est concentration, concertation des forces vives et cachées, économie, rassemblement ; il est propédeutique de l'intériorisation. Celui du langage prédispose à celui de l'esprit, le décante de l'inutile, - pensées, obsessions, affabulations, - en vue d'un retour à l'idéale vacuité dont relèvent les plus hauts messages. Râmana Maharshi soutenait le paradoxe suivant : "Le silence est éloquence ininterrompue. C'est l'émission vocale qui fait obstacle à l'autre voix... La Vérité est exposée par le silence". Enfin, comme la respiration, le silence est imitation de la nature de Dieu, conformité à cette nature ; non point le "Dieu oisif" auquel l'athéisme moderne reproche de ne pas répondre à l'appel humain, mais l'Être dont tout procède et qui ne procède de rien, pur réceptacle des semences du silence et des semences du son. - C'est pour ces différentes raisons que le silence mérite notre considération ; la meilleure preuve que nous puissions lui en témoigner est de le pratiquer nous-mêmes, soit dans les moments de répit que nous laissent nos occupations quotidiennes, soit un jour entier par semaine, à l'exemple de Gandhi.

Passeports pour des temps nouveaux, p. 96-97.

9 commentaires:

fishfish a dit…

tu trouves que je parle trop ?

Vincent a dit…

t'es sérieux là ?
je rigole devant mon écran ;)

Chronophonix a dit…

ça, c'est du commentaire, morbleu!
Plus sérieusement, ce texte me ramène immanquablement au silence intérieur,
le silence des pensées...

fishfish a dit…

Non, sérieux, j'aime bien que tu me dises que tu m'aimes bien quoi!

Vincent a dit…

Mais je t'adore !

fishfish a dit…

merci c'est chouette choupette !

Anonyme a dit…

Le verbe poétique excepté.

"Si tu cries, le monde se tait : il s'éloigne avec son propre monde.
Donne toujours plus que tu ne peux reprendre. Et oublie. Telle est la voie sacrée.
Qui convertit l'aiguillon en fleur arrondit l'éclair".
René CHAR

Vincent a dit…

Merci Madeleine !

Mabes a dit…

Très belle inspiration, merci Vincent!